Les sens en alerte

Pour Matthieu, TC chez la Vievadelavant, la semaine commence avec un planning bien organisé, des rendez-vous validés... Bref, le grand bonheur. Il se gare en sifflotant chez Laurent, un de ses plus anciens clients. Un peu surpris, il note que la cour n'est pas très bien rangée, les bacs de fleurs pas arrosés depuis longtemps, des outils à terre et le chien couché devant la porte.

Matthieu attrape sa sacoche et sort de la voiture en fronçant les sourcils. Pourvu que Laurent ne soit pas malade. Il lui a paru un peu démoralisé le mois dernier mais bon, avec la prix du lait et celui des céréales, plus d'un de ses clients souffrent. Il va lui proposer de nouvelles solutions et tout va rentrer dans l'ordre.

Il se décide à toquer à la porte. Rien. Un peu mal à l'aise, il retoque. Et entend Laurent : « Oh, ça va, j'arrive ! » Ça le rassure. Juste un peu... car l'agriculteur, pas trop bien rasé, est encore en vêtements d'intérieur, pour ne pas dire en pyjama. « Bonjour Laurent, ça ne va pas ? Tu es malade ? » « Non, non, mais pas moyen d'être tranquille ici. Pourquoi me déranger ? Je n'ai besoin de rien. Fous-moi la paix ! », et il referme la porte sur un Matthieu ébahi. « Dis-moi Laurent, tente quand même celui-ci : tu ne devrais pas nourrir au moins ton chien ? » « Si ça t'inquiète, tu n'as qu'à le prendre le clébard. De toute façon, je n'ai plus d'aliment pour lui », peste l'éleveur.

Matthieu se sent de plus en plus mal à l'aise. Il repart à ses rendez-vous, mais il n'a plus la tête à ça et il décide d'appeler son chef. « Eric, ça me soucie, j'ai vu Laurent ce matin, il n'était pas habillé, il n'a même pas nourri son chien. » « Ah, bizarre. Tu es encore loin de chez lui ? Retournes-y, tu te souviens de Jean-Claude, il faudrait pas qu'il nous fasse la même chose. »

Matthieu arrive un peu vite et se gare dans la cour. Laurent est toujours mal rasé mais il est dehors, avec son chien. « J'ai deux sacs d'aliments pour chien dans ma voiture, je me suis dit qu'au moins tu n'aurais pas à sortir faire des courses », lui propose Matthieu qui n'a rien trouvé d'autre comme excuse. Laurent s'approche, soupire un grand coup : « C'est sympa, merci. Je n'ai plus le goût à rien. » « Tu n'es pas en forme, ça se comprend, poursuit Matthieu, mais tu en as parlé à ton médecin au moins ? Tu sais tu peux aussi appeler des pros à la MSA. »

Yanne Boloh

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